Puis est arrivée la chronique du Tome 1 écrite par Melisende sur son blog
Bazar de la littérature... et là... wow !
Nalki était pour elle un "coup de cœur" ! J'en ai été si émue, si enchantée que je suis restée plusieurs jours sur un petit nuage. Plus rien ne m'atteignait, le monde pouvait tomber en miettes autour de moi, j'étais heureuse, euphorique (pas bien, ça). J'ai fini par redescendre sur terre, mais je ne regrette pas ces moments de pur bonheur. Merci à elle !
Nalki, Tome 1 :
Matricule 307
de Alice ADENOT-MEYER
Editions Le Lamantin,
2014, p. 304
Première Publication : 2014
Alice Adenot-Meyer
est musicienne de profession. Si la musique est sa principale source
d’inspiration, la forêt et la montagne tiennent également une place
importante dans son imaginaire. Construits autour d’intrigues tendues,
pleines de suspense, ses romans se déroulent dans un monde fictif et
pourtant proche du nôtre.
♣ ♣ ♣
Nous sommes en Serdane, pays écrasé sous le joug d’une dictature brutale et corrompue.
En rentrant de leur cours de musique,
Nalki, quinze ans, et sa soeur Perle, treize ans, sont accueillis par
des policiers venus les arrêter. Les deux adolescents sont séparés de
leurs parents et déportés dans un camp de redressement.
Soumis au travail forcé, ils vivent des
heures particulièrement difficiles et rêvent de trouver un moyen pour
regagner leur liberté.
C’est
avec énormément de plaisir mais aussi une petite appréhension que je
souhaite aujourd’hui vous parler du premier tome d’une série peu connue
(pour le moment !). Plaisir parce que j’ai vraiment adoré ce premier
tome mais appréhension parce que j’ai peur de ne pas savoir rendre
correctement mes impressions et vous donner envie de vous lancer à votre
tour dans l’aventure.
Derrière une illustration de
couverture assez différente de ce que l’on peut voir ces dernières
années, les éditions du Lamantin nous offrent un texte original et en
plus, particulièrement bien écrit.
Je sais pourtant que de petites perles
peuvent se cacher chez les petits éditeurs (j’en ai découvert plus d’une
ces dernières années !) mais lorsque je tombe sur l’une d’elle, c’est
toujours la surprise. Et je n’ai qu’une envie ensuite : le crier sur
tous les toits !
Le résumé de quatrième de couverture le laisse présager et c’est rapidement confirmé ensuite, difficile de ne pas faire de parallèle avec la Seconde Guerre Mondiale et les camps de concentration… et on n’est pas très loin de notre actualité (par certains aspects).
Dans un monde imaginaire, un pays sous le
régime d’une dictature rejette tout ce qui lui est étranger. Les
habitants venus d’ailleurs ou descendants de nomades sont pourchassés et
arrêtés. Séparés de leur famille pervertie et envoyés dans des camps de
redressement afin d’être remis dans le droit chemin, les plus jeunes
(des adolescents) vivent dans des conditions terribles. Travaux forcés,
repas limités, hygiène laissant à désirer et entente loin d’être
cordiale entre les « détenus », le lecteur est très vite plongé dans l’horreur et la dureté du nouveau quotidien de Nalki et Perle.
La littérature pour adolescents a bien trop tendance à enjoliver et faciliter les choses pour ses héros. Ici, l’auteure n’épargne rien à ses personnages
et je l’en remercie. Pas que j’apprécie particulièrement que les
figures que je suis souffrent mais un peu de difficulté, c’est quand
même plus crédible.
Face à des scènes de séparation ou de privation, le lecteur ne peut qu’être touché et ému par le devenir de Nalki et de sa petite sœur.
J’ai très vite été immergée dans cette histoire et son décor et
certains passages m’ont vraiment beaucoup marquée. Je suis rarement émue
par un livre (par contre je suis une fontaine dans la vie et au cinéma)
mais là, j’ai eu plus d’une fois la gorge serrée et je revois encore le
moment intense où Nalki retrouve pour la première fois un violon.
L’instrument est de piètre qualité et l’adolescent a les mains en
mauvais état mais les retrouvailles avec l’objet sont un tel moment de
bonheur inimaginable quelques pages plus tôt que le lecteur ne peut
qu’avoir la gorge nouée. C’est très fort.
Outre l’émotion, Alice Adenot-Meyer nous offre également une réflexion intéressante : peut-on accepter de renier ses convictions profondes pour vivre dans de meilleures conditions ?
Parce que dans ce camp de redressement, un orchestre a été mis en place
et les musiciens retenus pour en faire partie ont des privilèges non
négligeables. A force de persévérance et de travail, Nalki obtient la
place convoitée de soliste et devient par la même occasion, le
« chouchou » du colonel. Presque choyé comparé à ses voisins qui lui
mènent la vie dure, l’adolescent culpabilise et ne sait plus que choisir
entre le confort de sa place (ajouté au plaisir de jouer chaque jour du
violon) et ne pas trahir ses parents (et toutes les autres personnes)
arrêtés du fait de leurs origines… Mais s’il se rebelle, que deviendra
sa petite sœur Perle, elle aussi acceptée dans l’orchestre et donc pour
le moment éloignée des difficiles conditions offertes par le reste du
camp ? Et vous à sa place, qu’auriez-vous fait ?
Nalki a à
peine 16 ans mais il (oui, c’est un garçon !) est très mature et
responsable sans non plus en faire trop (il reste un adolescent un peu
perdu). C’est lui que l’on suit principalement et c’est un plaisir. C’est un héros comme je les aime
: très humain, plein de doutes mais aussi très posé, réfléchi et
finalement très fort (il ne baisse pas les bras). C’est agréable de
suivre un adolescent (et pas une adolescente) pour une fois ; on évite
ainsi un peu les romances inutiles et les apitoiements insupportables…
c’est appréciable ! Par contre, on ne croise qu’assez peu Perle, en tout
cas dans la première partie de l’intrigue et c’est presque dommage
parce que cette petite fille semble pleine de ressources et aussi
intéressante que son grand-frère ! J’espère avoir l’occasion de passer
un peu plus de temps avec elle par la suite… même si j’en doute un peu !
Je vous dis ça bientôt !
Le personnage que j’ai trouvé particulièrement intéressant ici, car plutôt complexe et ambigu, c’est le colonel du camp,
passionné par la musique et qui se met légèrement à dos ses supérieurs à
cause de sa lubie d’avoir un orchestre. Soyons clairs, c’est un ennemi,
un vrai. Et derrière sa jeunesse et sa belle gueule, à mon avis, vaut
mieux faire profil bas et ne pas trop le chercher parce qu’il pourrait
très vite effacer son sourire et sortir les objets de torture. Vous
voyez le genre. Malgré tout, malgré ce côté « méchant » assumé, il n’est
pas juste un sale type (même si c’en est un)… son discours sur les
étrangers et sa façon de les traiter sont juste abominables mais, si on
ne peut pas accepter ses convictions, on peut comprendre le comportement
qui en résulte. Il n’est pas tout noir, il y a plus que ça
derrière les dents blanches de façade, l’amour de la musique et la haine
du pays voisin. Il me tarde d’en apprendre plus sur lui, même
si les passages le concernant commençaient sérieusement à fiche la
trouille dans les dernières pages (parce qu’il n’est pas content et
qu’il ne va pas en rester là !).
La majeure partie du texte prend place en huis clos, à l’intérieur du camp. Le décor réduit ajoute à la tension et la peur ambiantes.
Ce n’est que dans le dernier quart, à partir d’un évènement spécial
pour l’orchestre, que le paysage est modifié… et que le lecteur, malgré
le changement, continue de ressentir l’angoisse des adolescents.
Toute la partie située dans le camp a su me
convaincre par son émotion et la suite, plus rythmée m’a également plu
par la tension décuplée et l’urgence qu’elle dégage. Moments plus posés ou dynamiques, j’ai aimé chaque instant de cette lecture et aucun ne m’a semblé maladroit ou inutile. Bien au contraire !
Enfin,
l’histoire ne serait pas ce qu’elle est sans la plume qui la raconte… et
là encore, c’est du tout bon ! Je vous disais que l’immersion était
totale, que l’émotion était au rendez-vous… oui, tout à fait ! Parce qu’Alice Adenot-Meyer manie intelligemment les mots.
C’est avant tout un diptyque pour
adolescents donc le texte reste abordable et est particulièrement
fluide. Malgré tout, à l’image du fond (l’auteure n’épargne pas son
lecteur en proposant des passages durs), la plume n’est pas simpliste,
le lecteur n’est pas pris pour un imbécile sans vocabulaire et ayant
besoin de quinze lignes de dialogues par page pour ne pas trouver le
temps long. Non, pas du tout ! C’est soigné juste comme il faut.
Et pour insister sur la qualité du texte,
j’ajouterai que je n’ai relevé aucune faute ou coquille pendant ma
lecture (j’en ai peut-être loupées mais en tout cas, aucune ne m’a sauté
aux yeux) et c’est assez rare dans l’édition de ces dernières années
(et oui ! Petites et grandes maisons ne sont que rarement irréprochables
de ce côté-là !) pour le souligner. Il y a juste une petite erreur
amusante dans les premières pages (de garde), par deux fois, le
sous-titre apparaît ainsi « Marticule 307 », au lieu de « Matricule ». Une petite faute de frappe de dernière minute, j’imagine. :)
Je
peux maintenant l’avouer, je redoutais un peu cette lecture (comme je
redoute régulièrement la lecture des titres proposés par de « petits »
auteurs ou « petites » maisons). Quelle bêtise ! Les Editions du
Lamantin me prouvent une nouvelle fois que de petites perles se cachent
du côté des titres et auteurs moins connus du grand public et je ne peux
que vous inviter à vous pencher sur ce premier tome. Original, bien
mené et bien écrit, Nalki vaut définitivement le coup d’œil !
Merci infiniment au Lamantin pour cette excellente découverte !