La tentation de la pseudo-réciproque - K. Ravera

24.09.2014 - La tentation de la pseudo-réciproque, de Kylie Ravera (auto-édition)

Peter Agor en est persuadé, élève en Classe Préparatoire aux Grandes Ecoles Scientifiques, à la base, est une activité à plein temps. Surtout dans un grand lycée prestigieux de la capitale qui a pour but avoué de former les élites de la Nation. Surtout quand le prof de math, qui a sur ses élèves un droit de vie ou de mort, a décidé qu'il avait une dent contre vous. Surtout quand on a l'impression d'avoir à la place du cerveau un marshmallow moisi. Alors, quand l'occasion se présente, est-ce bien raisonnable de se lancer dans une enquête policière aux côtés d'une jeune détective privée pour le moins atypique mais néanmoins charmante? Avec le risque de découvrir, à la fin de l'histoire, bien plus que la simple solution de l'énigme...

Mon avis :   Premier point, et non des moindres : j’ai pris énormément de plaisir à lire ce roman. Non, je ne suis pas une ancienne élève de classe prépa, je n’ai pas fréquenté les grandes écoles et même si je connais un peu le milieu de la recherche scientifique, je n’ai aucune compétence particulière en la matière. Mais l’auteure ne nous écrase pas de son savoir, ne nous noie pas dans les formules, les théorèmes et les démonstrations. Certes, le prestigieux lycée parisien Pépin-le-bref (on pense bien sûr à Louis-le-Grand et consorts) sert de cadre à l’action, avec ses profs maniaques (ou fantasques), ses élèves-taupins croulant sous les révisions, les devoirs et les colles, son architecture austère et imposante. Mais il n’y a là rien de rébarbatif, car Kylie Ravera nous plante ce décor avec verve et légèreté, si bien qu’on y évolue sans effort et on s’y trouve rapidement très à son aise.
Parlons d’abord du héros/narrateur : Peter Agor est un jeune homme auquel on s’attache dès le début, parce qu’il n’a pas la grosse tête et ne se prend absolument pas au sérieux. Venu de province et immergé brutalement dans ce monde sans pitié qu’il avait tendance à idéaliser, il va essuyer quelques revers/humiliations et s’apercevoir que son prof de maths le persécute pour une sombre histoire de rivalité entre enseignants dont il n’est que la victime collatérale. Sa situation devenant de plus en plus inconfortable, il prend la décision de changer d’établissement. Mais surtout, Peter va découvrir qu’une obscure et dangereuse machination se trame à l’intérieur même du lycée, une machination qui semble le viser lui, mais pas seulement.
Pour résoudre l’énigme, il se résout à faire appel - dans des conditions quelque peu rocambolesques - à une jeune détective. L’entrée en scène de ce personnage mérite qu’on s’y arrête. Car cette Eléanor Marolex (notez le jeu de mots !) est tout sauf une femme ordinaire. Et notre héros, naïf et romantique, va tomber sous son charme…
Les évènements s’enchaînent et se précipitent, faisant intervenir des profs un peu bizarres et d’autres personnages tous plus insolites les uns que les autres… le suspense monte, l’enquête se complexifie, se resserre et s’achève sur un final aussi époustouflant qu’imprévisible.
Mais cette histoire originale ne serait rien sans la marque de fabrique de l’auteure, à savoir un savoureux sens de l’humour. Un humour plein d’espièglerie auquel j’ai totalement adhéré. Car l’enquête paraîtrait invraisemblable, tarabiscotée et farfelue si l’auteure ne la défendait pas à travers un comique de situation qui peut aller jusqu’au burlesque sans tomber jamais dans le vulgaire. Et cet humour est servi par un style impeccable, élégant et efficace, qui joue avec les mots et lance des clins d’œil au lecteur sans lourdeur, sans avoir l’air d’y toucher.
Si j’ai une mini-réserve, c’est sur le fait que les élèves de Pépin-le-bref sont étrangement absents de cette histoire. L’intrigue se développe autour du héros Peter Agor, de la détective, d’un groupe de profs et de quelques autres personnages adultes extérieurs au lycée, mais les camarades de Peter sont eux très peu présents… c’est un choix que je respecte et qui n’enlève rien au charme enlevé du roman (et au fond, cela change de ce qu’on peut lire habituellement sur ce genre de thèmes), mais cela peut surprendre.
S’il le fallait encore, ce roman nous prouve qu’il existe de véritables pépites parmi les œuvres auto-éditées (mais bon sang, que fabriquent les éditeurs ?)
Pour conclure : c’est brillant, c’est intelligent, c’est drôle. Foncez !


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