EXTRAITS

 Extrait de Sortilèges interdits (Prologue) :
"(...) Son heure avait sonné ! La solution, il la tenait, cette fois. Mais il lui faudrait de l’audace, de la détermination.
Au diable les scrupules.
Le Balafré se leva d’un bond et attrapa Pasti par le col de sa chemise. Penché sur lui, il plongea ses yeux bleus dans les siens.
Il me le faut, gronda-t-il, fébrile. Tu comprends ? Je veux que cet homme se présente ici, devant moi. Promets-lui un secret absolu, et de l’argent, bien-sûr. Il n’a pas besoin de savoir combien. S’il résiste, menace de le dénoncer comme assassin. Qu’il sache que nous ne sommes pas dupes. Et qu’il n’a pas d’autre choix que de s’associer à moi.
Il approcha un peu plus son visage bouffi, barré de sa longue cicatrice sombre.
Le plus tôt sera le mieux, acheva-t-il dans un souffle"

Extrait de Piège dans les ruines (chapitre 13 - Traquenard) :
"S’ils m’attrapent maintenant, tout est perdu.
Il me faut moins d’une seconde pour réagir. Je pivote sur moi-même et fonce vers la forêt.
– Juju, rattrape-la ! hurle Kevin Kraus, le timbre rauque.
Les grandes dalles de la cour sont glissantes, irrégulières. Je ne vois rien, mon ombre se projette devant moi dans la lumière de la lampe-torche qui danse et tressaute, brandie par mon poursuivant. Je m’engouffre sous le porche et franchis le pont à toute allure. Le dénommé Juju est sur mes talons, si proche que je l’entends haleter dans mon dos.
Je bifurque sur ma gauche, là où, d’après mon souvenir, démarre le sentier qui devrait me ramener chez mon oncle. Mais je sais que je n’irai pas beaucoup plus loin. Mes forces me trahissent. Je suis trop fatiguée. Et surtout, j’ai perdu la foi. Face à ces gaillards, je ne fais pas le poids.
Pourtant, j’essaye de me battre encore. Histoire de ne pas me détester, plus tard, si je survis à cette aventure. Malgré mon état lamentable, mes jambes continuent à me porter en avant. Pas question de m’avouer vaincue.
Une branche en travers du chemin se charge de m’arrêter définitivement. Je me retrouve à plat ventre sur la terre humide, à moitié sonnée. Un instant plus tard, Juju se tient devant moi. Il braque le faisceau lumineux sur mon visage.
– Relève-toi !
Comme si j’avais l’intention de rester vautrée dans la boue ! Je ne suis pas encore sur pied qu’il agrippe mon bras au-dessus du coude et me tire brutalement vers le haut. Il s’obstine à m’aveugler. Impossible de distinguer ses traits.
– Baisse ta lampe ! dis-je sèchement.
– Ici, c’est moi qui commande, grogne-t-il en réponse, m’envoyant son haleine alcoolisée à la figure. Si j’ai envie de t’éclairer, c’est mon affaire. Allez, viens par là !
Il me traîne sans douceur. Je n’ai ni l’énergie, ni la volonté de résister. Dans mon esprit, l’humiliation se mêle au sentiment amer de l’échec. Mais je m’efforce de garder la tête haute, les épaules droites. Je ne leur donnerai pas la satisfaction de me voir soumise.
Tout gonflé de son importance, le garçon garde le silence et me pousse devant lui sur le pont, puis à travers la cour du château, jusque devant son chef. D’autres lampes-torches sont allumées à présent, et je distingue mieux ceux qui me font face."

Extrait de Nalki, T1 - Matricule 307 (Chapitre 8 - Convocation) :
 
"Rave était déjà là. D’un mouvement vif, il attrapa Nalki par le col de sa veste et le tira violemment à lui. Une fois dans l’allée centrale, il le poussa en avant. Nalki n’eut pas le temps de s’agripper aux montants du lit. Il trébucha et tomba sur les genoux. La douleur lui arracha un cri étranglé.
Rires. Moqueries. Humiliation.
Et cette souffrance. Aiguë. Tenace et rythmée, comme des ondes qui se succèdent, l’une venant chasser l’autre.
Ne pas gémir…
De sa position dominante, le chef de section ricanait. Nalki se raccrocha à la barre métallique du lit et se releva, les dents serrées. Sans se retourner vers son persécuteur, il se mit en marche. L’autre le suivit de près jusqu’au bout de l’allée. Là, il l’empoigna à nouveau par le col.
Je t’ai à l’œil, 307, lui postillonna-t-il au visage. Je sais pas ce que t’as en tête, mais dis-toi bien que je te lâcherai pas d’une semelle. Et au moindre pas de travers, je te ratatine. T’es prévenu.
Rave tourna les talons. Nalki cherchait à reprendre son souffle.
Monter sur sa couchette lui coûta un effort surhumain.
Celle du dessous restait vide. La nuit précédente, l’état de Saule s’était brutalement aggravé. Brûlant de fièvre, il n’avait pas cessé de tousser, s’attirant les injures des chefs de section excédés. Au matin, Nalki avait essayé d’alerter Gauk sur le cas de son ami, mais comme d’habitude, le surveillant s’était refusé à l’écouter.
Il avait donc fallu attendre le petit-déjeuner pour prévenir Bouleau. Devant l’urgence de la situation, ce dernier était intervenu aussitôt. On avait conduit le malade à l’infirmerie - lieu qui, tout compte fait, existait bel et bien à Blache. Soulagé de voir son camarade enfin pris en charge, Nalki s’était néanmoins senti très seul toute la journée sur le chantier.
Enfin assis sur sa couchette, il se déshabilla avec lenteur. Chaque mouvement brusque risquait de lancer une nouvelle flèche à travers sa poitrine. De plus, les plaies de ses mains accrochaient les fibres de son pyjama, et ses doigts gourds refusaient de fermer les boutons.
La dérobade de Rhodo le décevait terriblement.
Il m’a pris pour un affabulateur. Ou alors, il redoute la concurrence d’un violoniste meilleur que lui. Aucune chance qu’il parle de moi à Tarko... De toute façon, je suis devenu le mouton noir du dortoir…
De peur de se mettre le chef de section ou le surveillant à dos, ses compagnons l’évitaient comme la peste. Rien de surprenant à cela. L’esprit général de cruauté et de veulerie qui régnait dans le camp rendait ce comportement prévisible.
Les lumières s’éteignirent. Nalki s’allongea avec précaution.
Se détendre… Trouver la position la moins inconfortable...
Il remonta ses jambes en chien de fusil et, misérable, s’enroula autour de sa faim et de l’angoisse qui lui nouait les entrailles.
Une fois de plus, la nuit allait lui sembler longue..."

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