mercredi 11 mars 2015

Une vie passée à attendre ?

Ou comment tromper l'attente en parlant de... l'attente !

Le titre de l'article décrit assez bien ce que pourrait être devenu mon quotidien d'auteur(e) si mes autres activités ne suffisaient à le remplir...

De quoi est constituée ma vie d'auteur(e) ? En grande partie d'une attente insidieuse qui s'allonge, s'étire et s'éternise. Les minutes, les heures, les jours s'égrènent et filent à ce petit jeu-là, inexorablement, tandis que rien ne bouge. 



Bien sûr, les moments (trop rares) que je consacre à l'écriture me procurent beaucoup de satisfaction (même quand je ne suis pas contente de ce que j'ai pondu). Mais pour le reste, je vis une sorte d'immobilisme dû au temps de l'édition qui bat d'un tempo très particulier (adagio / largo / lento) et dont ceux qui n'ont jamais tenté de se faire éditer ne peuvent avoir idée.

Vous avez envoyé un manuscrit (fruit de longs mois, voire d'années de travail) à des éditeurs. L'attente commence. Vous pouvez compter de nombreux mois pour obtenir des réponses (le plus souvent négatives, quand les éditeurs ont la politesse de vous en donner). Ensuite, pour peu que l'un d'eux soit intéressé (cela arrive quand même, parfois), il peut vous demander/suggérer des modifications sans aucune garantie de vous publier une fois les modifications apportées. Plein d'espoir, vous vous soumettez, modifiez votre texte, et le renvoyez. Une nouvelle longue attente s'installe (j'en suis là actuellement). Vous êtes au moins sûr d'une chose : votre manuscrit n'est pas le coup-de-cœur de cet éditeur, sinon il vous l'aurait dit tout de suite et ne vous ferait pas ainsi languir.

Mais il n'y a pas que l'attente des réponses d'éditeurs. Il y a aussi, une fois votre roman publié, l'attente des chroniques. Vous (ou votre éditeur) avez envoyé des SP ("services presse" = exemplaires gratuits) à des blogueurs et vous guettez leurs avis avec une impatience mêlée de crainte (une mauvaise chronique peut faire beaucoup de tort à la "carrière" de votre roman). Certains blogueurs lisent puis rédigent assez rapidement, d'autres prennent des mois pour produire l'article qu'ils vous ont promis en échange du SP (quand ils l'écrivent, car il arrive que la démarche n'aboutisse jamais, que le blogueur, par exemple, disparaisse en fermant son blog (pour en ouvrir un autre sous un nouveau pseudo)). Là aussi, une attente éprouvante...

Et puis il y a les concours littéraires. Qui ne rêve de voir son roman remporter un prix ? Y a-t-il meilleur moyen de le faire connaître ? Vous avez (peut-être naïvement) lancé votre œuvre dans la course, mais il faut compter d'abord avec un premier filtre : la "sélection". Des mois durant, l'exemplaire de votre roman se balade entre les membres d'une sorte de "comité" constitué d'adultes volontaires (et consentants^^). Chacun d'eux a de nombreux ouvrages à lire (en majorité des livres connus, parus chez de gros éditeurs). Chaque membre doit remplir une fiche. Deux avis négatifs suffisent pour que votre roman soit éliminé de la sélection. Si jamais il franchit avec succès cette première étape, vous êtes en droit de vous féliciter, car il sera lu cette fois par des dizaines (centaines ?) de jeunes (dans le cas d'un roman-ados) qui voteront au final pour ou contre lui. C'est donc plus d'un an 1/2 après l'avoir envoyé que vous saurez si votre livre a - ou n'a pas - gagné le prix.

Vous me direz : et l'attente des avis tout simples, ceux de vos proches ? Votre famille, vos amis, ceux qui ont acheté le livre pour vous soutenir, témoigner de leur affection et de la confiance qu'ils mettent en vous ? Bon, je vais être franche, même si cela risque de blesser certains : cette attente-là, si je ne l'ai pas mentionnée, c'est parce que je sais d'expérience qu'elle est inutile. Si vous espérez obtenir des avis de vos proches, vous serez forcément déçus. La plupart des lecteurs ne sont pas conscients du fait que l'auteur (surtout le "petit" auteur, inconnu) a besoin de retours (s'ils sont favorables et rendus publics sur des sites internet, c'est encore mieux), non seulement pour son moral, mais aussi pour s'améliorer. Vos proches pensent qu'en achetant le bouquin, ils vous ont déjà activement soutenu (ce qui est absolument exact). Ils ne soupçonnent même pas que vous aimeriez connaître leurs impressions de lecture, et pensent rarement à vous en faire part (a-t-on seulement le temps de parler de livres, dans la vie de tous les jours ? Il y a tellement plus important/urgent/intéressant !) Voilà.Vos proches, vous ne saurez même pas s'ils ont lu ou non votre roman (à quelques exceptions près, ne noircissons pas trop le tableau). C'est comme ça, il faut s'y faire.

Une attente à plusieurs facettes, donc, qui se nourrit d'espoir, mais qui peut à terme, si elle n'est pas récompensée, conduire au découragement et à une pénible perte d'inspiration...

Heureusement, je réserve encore une bonne place à la musique (pratique, écoute, enseignement), la lecture, ma famille et une multitude de centres d'intérêts qui me permettent d'échapper à cet état d'attente permanent, usant pour les nerfs.

Allez, on y croit !

* illustration : Gao XingJian


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